On a testé l’un des « SSD pas chers » qui pullulent sur Amazon


Il y a quelques jours, le site ReviewGeek désossait un « SSD portable » disponible à un tarif imbattable. Pensez-donc, une capacité de 16 téraoctets pour un tarif de moins de 100 dollars, c’est une aubaine unique. Il y avait juste un problème : ce produit était un faux grossier, aux performances ridicules et à la capacité très éloignée des 16 To de stockage promis.

Nous avons, nous aussi, cherché des SSD pas chers dotés d’une quantité de stockage exceptionnelle sur la version française d’Amazon. Et on a vite remarqué qu’ils pullulaient, tout comme aux Etats-Unis. En quelques clics, nous avons déniché des dizaines de modèles à la quantité de stockage alléchante : 10 To, voire 16 To, disponibles à des tarifs variables, mais toujours sous la barre des 100 euros.

Des dizaines de produits de marques différentes, aux noms exotiques… mais au design très similaire, classés par l’algorithme d’Amazon de façon étrange, entre des périphériques d’acteurs réputés, comme Sandisk ou Samsung. Des produits qui, pour certains, sont même éligibles à la livraison « Prime », par Amazon, que de nombreux clients prennent pour un gage de qualité.

Faux SSD Amazon

Nous avons donc jeté notre dévolu sur un de ces modèles, afin de savoir ce que ces « SSD » avaient exactement dans le ventre. Spoiler : rien du tout ou presque. Voilà ce que nous avons découvert, après nombre de manipulations et mesures dans le 01Lab.

Déballage et branchement : on sent déjà que ça ne va pas nous plaire

D’abord, il y a le packaging, qui d’entrée, n’inspire que peu confiance. Pas de marque visible, pas de logo « CE » pourtant indispensable pour les supports de stockage vendus dans l’Union Européenne. Et quelques rares informations au dos, qui, comme on va le voir, sont incorrectes. On apprend donc que le disque serait au format « M.2 », qu’il bénéficierait d’une interface USB 3.1. Tout cela est parfaitement faux.

Faux SSD Amazon : boîte
Crédit : Lionel Morillon –

Déballé, le produit peut (presque) faire illusion. C’est un mignon petit galet, doté -sans doute pour lui donner de faux airs de modernité- d’une prise USB Type-C. Aucune marque n’est ici visible non plus. Notre SSD est livré avec un minuscule et cheap câble USB-C vers USB-A, pour le relier à son ordinateur.

Faux SSD déballé, avec câble
Crédit : Lionel Morillon –

Nos mesures : le « SSD » le plus lent du marché ?

C’est parti pour le branchement. (Seule) bonne nouvelle : L’appareil est parfaitement reconnu par Windows 11, et affiche fièrement 16 To de stockage au compteur. Mais comme on va le voir plus bas, c’est une astuce ancienne et très facile à mettre en œuvre pour les escrocs que de « trafiquer » l’espace de stockage véritable d’un support.

Capture Windows 16 To
Crédit : // Windows ne détecte rien d’anormal.

Pour mettre à l’épreuve le disque, nous lançons une première copie de fichiers. Il s’agit d’une longue série de rushes stockés sur un (vrai, celui-là) SSD du service vidéo de la rédaction. 40 Go que nous avons dupliqués en moins de deux minutes sur notre ordinateur. Et que nous avons ensuite dupliqués depuis la machine sur notre disque pas cher. Et là, nous nous rendons compte qu’il va falloir être très patient. Car ce « SSD » plafonne à… 15,5 Mo/s !

C’est presque quarante fois moins rapide que les taux de transfert d’un véritable SSD. Ce qui nous a pris que quelques minutes auparavant va ici durer presque une heure trente ! Et même beaucoup plus, car le disque a été subitement déconnecté en plein transfert, sans aucune raison. Il nous a fallu nous y prendre à trois fois avant de parvenir à copier nos quarante malheureux gigaoctets.

Ces performances ridicules, les mesures du 01Lab les confirment. Nous avons soumis le disque à deux benchmarks populaires, qui visent à tester les performances d’un support de stockage en lecture et écriture. Les résultats sont… catastrophiques, à mille lieux de ce qu’un SSD, même d’entrée de gamme, est capable d’offrir. C’est tellement mauvais, à vrai dire, que les outils de mesure ont plusieurs fois planté durant les tests.

CrystalDiskMark et AS SSD affichent ainsi en moyenne des vitesses de lecture et d’écriture qui oscillent entre 10 et 16 Mo/s, quelle que soit la taille des fichiers copiés. On pourrait en rire, mais même à 80 euros, un tel niveau de performances, c’est du vol.

C’est d’autant plus médiocre qu’on n’a évidemment pas accès au 16 To promis. Nous avons ainsi copié plusieurs séries de gros fichiers sur l’appareil, au prix de longues heures d’attente. Mais n’avons pas eu, heureusement, à atteindre les 16 To pour nous rendre compte qu’il y avait un « loup ». Après avoir stocké quelque 100 Go de données sur l’appareil, nous avons ensuite essayé de les lire depuis le disque. Énorme problème : si nous avons bel et bien réussi à ouvrir certains fichiers, de nombreux autres étaient en réalité corrompus, même si la copie avait semblé s’effectuer sans souci.

Là encore, il s’agit d’un truc utilisé par les arnaqueurs qui vendent cette camelote : les données sont bel et bien écrites… mais écrasent celles qui avaient été auparavant stockées. Nous le savions désormais : notre « SSD » dispose en réalité de moins de 100 Go d’espace : on est loin des 16 To !

Mauvaise surprise à l’ouverture du disque

Mais que cache donc ce faux SSD ? S’agit-il vraiment d’un support au format M2, comme l’indique la boîte ? Évidemment non. Il est d’ailleurs facile de s’en rendre compte, ne serait-ce que par l’empreinte thermique de l’appareil, qui ne chauffe que très peu, contrairement à un SSD fortement sollicité.

Empreinte thermique faux SSD
Crédit : 01lab // Ca ne chauffe pas, et c’est étrange.

Lionel Morillon, responsable du 01Lab, a pu ouvrir le boîtier après quelques manipulations dont il a le secret… et a découvert ce que vous voyez ci-dessous.

Eh non, pas de SSD à l’horizon, mais un simple… lecteur MicroSD avec une carte -sans aucune capacité de stockage visible- insérée à l’intérieur ! Nous l’avons illico insérée dans un lecteur de carte, sans donc passer par le contrôleur de l’appareil, nous accédons enfin à sa véritable capacité de stockage : 58,61 Go. Autrement dit un support que l’on peut dégoter à moins de 10 euros. Vous pensiez faire une bonne affaire avec ce SSD au prix mini ? C’est l’inverse : vous avez payé votre stockage presque dix fois trop cher.

Carte MicroSD : taille réelle
crédit : 01Lab // Une carte à la capacité de 58,61 Go, on est loin des 16 To

À y regarder de plus près, on remarque une inscription sur le contrôleur. Une marque, et une référence : « Chipsbank CBM2199S ». On trouve peu de détails à ce contrôleur sur la toile. Mais rapidement, on comprend son intérêt pour les escrocs.

Contrôleur faux SSD
Crédit : Lionel Morillon –

Cette puce -et ses innombrables variantes- sont en effet « flashables » par le biais d’un obscur logiciel, disponible principalement sur des forums russophones. Il permet notamment de forcer le contrôleur à trafiquer la taille du disque affichée par l’OS, et de paramétrer l’écrasement des données préalablement stockées.

Voilà comment les escrocs qui vendent ces disques vous font croire que vous avez branché un support de 16 To… alors que vous ne disposez que d’une carte MicroSD « noname » d’une capacité ridicule.

Quelques conseils pour ne pas se faire berner

Cette arnaque est loin d’être nouvelle et ne concerne d’ailleurs pas que les SSD. On trouve tout aussi facilement de fausses clés USB forgées avec le même genre de technique. Pour éviter de vous faire avoir, c’est -heureusement- plutôt simple. D’abord, c’est une évidence : méfiez-vous des prix trop bas. Oui, un SSD de 16 To à moins de 100 euros, c’est tout bonnement impossible. Pour un véritable SSD externe de 4 To NVMe d’une marque célèbre (SanDisk), il faut compter pas moins de 550 euros environ.

Avant d’acheter, il est aussi capital de regarder les avis d’autres internautes ayant déjà essayé le produit. Dans notre cas, nous avons volontairement ignoré les quelques commentaires qui criaient avec raison à l’arnaque. Notez toutefois que ce n’est pas toujours possible : les escrocs ont tendance à multiplier les références pour limiter les avis négatifs et même parfois à « spammer » les avis pour augmenter artificiellement la note.

L’idéal serait évidemment qu’Amazon fasse un grand ménage dans ses listings, qui mériteraient parfois un sérieux coup de balai. Mais ça, c’est une autre histoire…



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